Guide des engrais verts bio en maraîchage : tout savoir sur les couverts végétaux
19/09/2023
Avez-vous déjà entendu parler des engrais verts ? On parle aussi de couverts végétaux. On désigne par ces appellations l’implantation entre deux cultures de plantes – souvent annuelles mais parfois vivaces – destinées à produire de la biomasse, de la matière organique, qui sera ensuite restituée au sol pour l’enrichir et produire de la fertilité. En effet, le couvert une fois détruit et laissé sur place se décompose petit à petit en apportant au sol sucres et minéraux dont il est composé. Ainsi, les éléments nutritifs sont rendu disponible pour la culture suivante.
Implanter des engrais verts bio sur des planches de maraîchage est une technique que nous utilisons beaucoup à la Ferme de Cagnolle. Découvrons les bienfaits de ces couverts végétaux pour nos sols, les différentes espèces à favoriser selon les saisons et les différentes manières de mettre fin à leur cycle pour les restituer à la terre.
A quoi servent les engrais verts bio dans la logique de sol vivant ?
Les engrais verts prennent tout leur sens dans une logique de maraîchage sur sol vivant. En effet, le sol vivant désigne un sol habité par des milliers d’espèces d’insectes, de bactéries, de champignons… que nous pouvons rassembler sous l’appellation de microbes ou micro-organismes : la micro-faune et micro-flore. Ces habitants du sol sont ceux qui le créent (les vers de terre par exemple), le structurent, y décomposent la matière organique morte qui s’accumule à sa surface, apportent aux plantes ce dont elles ont besoin pour se construire, se défendre et fructifier… Les techniques de culture sur sol vivant respectent et surtout nourrissent cette vie du sol, responsable à la fois de la bonne santé de nos plantes et de la bonne fertilité de notre terre. Nourrir la vie du sol, c’est à la fois ne pas la labourer, pour ne pas perturber ni tuer la vie qui s’y trouve, mais aussi lui apporter de la matière organique carbonée qui est son aliment de base. Nourrir la vie du sol permet le départ de chaînes alimentaires complexes entre tous les micro-organismes, prédateurs et proies, qui naissent et se développent sous nos pieds et bénéficient ensuite à nos cultures.
A la Ferme de Cagnolle, nous apportons notamment sur nos planches de grandes quantités de broyat de bois fraîchement broyé. Ce broyat de bois contient entre autres de la lignine, qui sera mangée et décomposée par des champignons décomposeurs de matière organique, les champignons saprophytes. Ces champignons sont ensuite capable de créer des symbioses avec les racines des plantes que nous implantons sur la parcelle, et les aident, en échange d’un peu de sucre produit par la photosynthèse, à puiser plus profondément de l’eau et des minéraux essentiels à la croissance de ces plantes et à leur bon développement. Ces champignons symbiotiques – que l’on appelle mycorhiziens – sont même capables de générer des antibiotiques pour aider les plantes à se défendre et renforcer leurs défenses immunitaires. Il existe deux principaux types de mycorhizes : les endomycorhizes et les ectomycorhizes. Les vers de terre, autres acteurs primordiaux de notre écosystème sol, décomposent la matière organique et la transforment en un humus riche en nutriments assimilables par les racines. Leur mucus, laissé derrière eux dans les nombreuses galeries longues de plusieurs milliers de kilomètres qu’ils creusent chaque année, est aussi riche en azote ammoniacal (NH4+). Cet azote est ainsi directement disponible pour les racines de nos plantes qui profitent des galeries de vers de terre pour s’y insinuer !
Maintenant que nous avons compris en quoi favoriser la vie du sol est un enjeu crucial pour la bonne croissance de nos plantes potagères, revenons-en à nos engrais végétaux.
Cultiver l’auto-fertilité de ses parcelles de maraîchage
Avec les cultures sur sol vivant, le maraîcher sait qu’il ne peut pas continuellement exporter de la masse carbonée de sa parcelle (en l’occurrence, les légumes qu’il produit) mais qu’il doit aussi aggrader son sol, c’est-à-dire y ramener de la matière organique carbonée, qui se décomposant, viendra nourrir la vie du sol. Ainsi, le maraîcher doit disposer d’une grande quantité de matière organique brute pour nourrir son sol : du fumier animal par exemple, des algues, du foin, de la paille, des feuilles, du charbon de bois, du broyat de déchets vert ou encore le fameux BRF dont nous parlent les canadiens depuis les années 1970. Se procurer durablement cette matière organique à moindre frais est l’un des enjeux principaux du maraîcher qui cultive sur sol vivant !
Planter un couvert végétal entre deux cultures est un moyen de produire sur place directement la matière organique dont nous avons besoin pour nourrir le sol à cet endroit précis. On le sème sur place, il pousse, puis on le restitue au sol dont il vient sans avoir besoin d’importer quoi que ce soit – hormis les graines qui représentent souvent un moindre poids et un moindre coût. On entre dans une logique d’auto-fertilité de chaque parcelle, qui produit la matière dont elle aura besoin pour le cycle de culture suivant, celui dont on veut commercialiser la production. Ainsi, le couvert végétal ou engrais vert permet de dépasser la problématique du manque de matière organique disponible à moindre frais : le maraîcher s’affranchit de ses efforts d’import et fait pousser directement sa future fertilité !
Structurer son sol et nourrir la vie qui s’y trouve
Un sol vivant, c’est un sol qui est structuré par la vie qui s’y trouve : ses habitants creusent des galeries ou des micro-poches qui rendent le sol poreux et lui permettent de mieux retenir l’eau, de mieux faire circuler les nutriments et minéraux nécessaires aux plantes, de faciliter l’exploration racinaire… Les racines d’ailleurs font elles-mêmes partie des éléments qui structurent le sol car elles le poussent en grandissant, s’insinuent dans ses trous, etc. Plus un sol est structuré de cette manière et plus il favorise l’accès aux ressources dont les plantes et micro-organismes ont besoin. C’est un cercle vertueux. La structuration du sol s’opère à la fois par l’activité biologique qui compose le sol, ainsi que par les racines des plantes actives qui l’explorent.
Comme nous le verrons plus loin, un couvert végétal est souvent composé de plusieurs espèces de plantes. Dans la nature, chaque espèce de plante dispose de racines différentes : racines pivots (sur les carottes ou le pissenlit), racines fasciculaires (sur le maïs ou les graminées), racines adventices (comme sur les tomates), racines traçantes (sur le bambou ou le chiendent)… Grâce aux racines des plantes composant le couvert végétal implanté, le sol n’en est que mieux structuré ! Et d’autant plus si on compose un mélange de graines et d’espèces de plantes permettant de laisser s’installer des systèmes racinaires très variés dans le même temps sur le même sol.
Par ailleurs, lorsqu’on parle de nourrir la vie du sol, le couvert végétal s’inscrit dans la même logique que l’apport de matière organique morte, prête à se décomposer. En effet, grâce à ses racines, une plante vivante va envoyer dans le sol des sucres et des exudats racinaires capables de nourrir des champignons, des bactéries… et toute la micro-faune et micro-flore que nous cherchons à préserver et encourager sur la parcelle. Ainsi, les deux méthodes sont même complémentaires !
On estime les besoins de l’activité biologique de notre sol, pour maintenir une fertilité suffisante pour faire pousser des légumes sur sol vivant, à 20 tonnes de matière organique sèche par an. C’est ce que l’on peut appeler la ration du sol.
Fixer les nutriments pour la culture suivante et éviter leur lessivage
Parmi les procédés de construction et de structuration du sol, l’humification et la minéralisation sont deux réactions complémentaires et toutes aussi indispensables l’une que l’autre. Depuis les années 1950, l’agriculture intensive industrielle s’est
concentrée sur les processus de minéralisation en oubliant un peu l’humification. Le focus à été mis sur les besoins de la plantes au détriment de la microbiologie des sols.
Ce mode d’agriculture, que l’on a aussi appelé révolution verte (travail mécanique du sol & engrais minéraux) s’est ainsi acharnée à rendre disponible les minéraux du sol pour les plantes, en labourant et retournant la terre, entraînant la minéralisation de l’humus, de la matière organique – l’oxydation – de l’humus des sols permet aux éléments minéraux du sol de se solubiliser et de se transformés en nutriments plus directement accessibles pour les racines des plantes cultivés, mais tuant aussi du même coup dans un second temps toute vie du sol. Par ces pratiques agressives, les agriculteurs traditionnels accélèrent un phénomène naturel, et empêchent le phénomène complémentaire de l’humification, lié à la décomposition lente de la matière organique par la vie du sol. Les nutriments rendus tous disponibles d’un coup ne pouvant pas perdurer longtemps dans un sol instable, la part qui n’est pas consommée par les plantes se trouve lessivée par les pluies ou les arrosages et vient alors percoler dans les nappes phréatiques ou retourne à l’état gazeux. Que de précieuses ressources perdues…
Semer un couvert végétal avant une future culture légumière permet d’une part de conserver sur place les nutriments qui auraient pu être perdus par lessivage ou lixivage. En effet, les racines des plantes choisies pour l’engrais vert vont puiser dans ces ressources minérales assimilables et s’en servir pour produire leurs tiges carbonées, les mêmes tiges riches en matière organique que nous avons hâte de restituer au sol pour l’enrichir de ces mêmes nutriments (carbone, azote, phosphore, potassium…). La culture de l’engrais vert prolonge ainsi la disponibilité des nutriments en les puisant d’abord, les fixant ensuite, puis en les restituant au sol lorsque l’engrais vert est détruit. Ils sont alors rendus disponibles lentement au fil de la minéralisation et de l’humification et peuvent venir nourrir la culture légumière suivante. On évite le lessivage des éléments en s’en servant pour produire une bonne quantité de matière organique, qui servira de ration du sol à tous nos microbes et qui bénéficiera à son tour à la culture suivante. Un cercle vertueux, là aussi.
Par ailleurs, en fonction des espèces choisies pour constituer le couvert végétal, celui-ci peut même alors servir à augmenter la quantité de nutriments disponibles pour la culture suivante. Par exemple, les légumineuses sont des plantes qui captent l’azote atmosphérique pour le transformer en azote organique (ions ammonium) directement assimilables par les plantes. L’azote étant un des éléments clés de la croissance et de la santé de nos plants de légumes – on connaît le phénomène de “faim d’azote”, jaunissement et faiblesse due à une carence en cet élément -, il est souvent au coeur d’une problématique des agriculteurs : comment s’assurer de la bonne quantité d’azote dans le sol en prévision d’une culture qui en consomme beaucoup ? En 2010, des travaux scientifiques et agronomiques ont mis au point une méthode de calcul appelée MERCI (Méthode d’Estimation des éléments Restitués par les Cultures Intermédiaires) permettant de connaître la quantité de chaque élément chimique rapporté au sol et rendu disponible pour la culture suivante en fonction de l’engrais vert implanté. Cette méthode permet donc à l’agriculteur maraîcher de calculer précisément les quantités des différents éléments minéraux piégés dans les différents types de couverts végétaux ainsi que la cinétique de la mise à disposition de ses éléments pour la culture suivante. Pratique, non ?
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Faciliter la logistique du maraîcher
Enfin, nous en avons déjà parlé, mais planter un engrais vert à l’endroit où nous avons besoin de matière organique est un gain de temps et d’énergie ! En effet, pour enrichir notre sol dans une logique de sol vivant, il aurait fallu passer plusieurs heures à importer de la matière organique sur la planche : broyat, charbon, fumier… La faire d’abord venir depuis chez le fournisseur, qui peut être plus ou moins loin ; engager des frais pour le transport, le stockage éventuel ; puis l’étaler avec un tracteur ou à la main, avec des outils, ce qui représente des dépenses de carburant ou des efforts physiques importants ; avant de bâcher, pour éviter l’enherbement et faciliter la décomposition de la matière. Grâce à une production d’engrais vert in situ, on se contente de semer à la volée dans les restes de la culture précédente. Le seul intrant ici est donc le stock de graines, répandu sur la parcelle. On peut éventuellement – pour les plus minutieux – venir ensuite recouvrir tout de même d’une fine couche de matière, ou tout simplement passer un outil comme un déchaumeur destiné à gratter très légèrement le sol pour s’assurer que nos graines semées se retrouvent bien en contact avec la terre. Lorsqu’il s’agit de détruire le couvert, la méthode utilisée peut également faire gagner un temps important et économiser l’énergie physique du maraîcher, notamment lorsque cette méthode est mécanisée. Minimiser l’import-export sur ses planches et les coûts annexes s’avère souvent une solution stratégique pour le maraîcher qui souhaite optimiser sa logistique, préserver ses finances et sa santé !
Quels engrais verts bio choisir pour son couvert ?
Maintenant que vous êtes convaincu que les engrais verts sont absolument nécessaires et ne présentent que des atouts pour les cultures, vous vous demandez sûrement quelles plantes choisir !
Il existe traditionnellement 2 types de couverts : les couverts d’hiver et les couverts d’été. Chacun présente des avantages et des inconvénients. Découvrons-les.
Les couverts d’hiver
Les couverts d’hiver sont les plus pratiques à implanter car ils poussent au cours d’une saison qui n’est pas propice à la culture et à la commercialisation de nombreux légumes. L’hiver est en général la saison creuse du maraîcher. Les planches n’ont pas besoin d’être occupées, la place est disponible, on en profite pour implanter un engrais vert qui poussera jusqu’au printemps.
On choisit donc des plantes qui résistent au climat de sa région :
Lorsque les hivers sont doux, on optera pour :
- De la moutarde, une brassicacée qui fleurit tôt et apporte à la fois une belle couleur jaune à vos champs et de la nourriture aux insectes pollinisateurs
- De l’avoine, une céréale graminée au système racinaire important, qui structure le sol, et qui produit de longues tiges et feuilles riches en matières carbonées
- De la féverole si on souhaite bénéficier de la fixation d’azote de cette légumineuse à larges feuilles
Si les hivers sont plus rudes, on préférera :
- Du seigle, une céréale qui résistera mieux que l’avoine aux jours les plus froids de l’hiver
- De la vesce, une légumineuse au fort pouvoir couvrant qui résistera bien aux gelées
- De la moutarde, à nouveau
L’inconvénient d’un couvert d’hiver, c’est qu’il pousse lentement. Le froid ralentit la croissance de la plante, et lorsqu’on sème à l’automne, juste après une culture, il faut en général attendre le mois de mars pour que la croissance de la plante s’accélère. Détruire le couvert à ce moment-là, au début du printemps, n’est alors pas le plus optimal car la plante n’a pas encore atteint le maximum de sa taille et de sa production de carbone. Plus on tarde à le détruire au printemps, et plus sa croissance sera exponentielle, comme vous pouvez le constater très facilement dans le premier épisode de notre série de vidéos sur les engrais verts !
Les couverts d’été
A l’inverse, un couvert d’été est moins facile à implanter car il prend souvent la place d’une culture saisonnière. En été, les planches maraîchères sont bien occupées : solanacées, brassicacées… et bien d’autres destinées à la commercialisation. Choisir de planter un engrais vert, c’est donc se priver délibérément d’une surface de culture utile. Il faut que le maraîcher ait bien besoin de cette matière organique pour décider de “sacrifier” ainsi une parcelle à la belle saison ou qu’il dispose de suffisamment d’espace pour les intégrer dans ses rotations de culture !
En revanche, les engrais verts d’été ont l’avantage de produire rapidement une énorme quantité de matière carbonée. Les espèces que l’on choisit pour planter au plus beau de l’année sont extrêmement productives de ce point de vue :
- Tournesols : en plus d’être mellifères, ces plantes produisent de grosses tiges rigides riches en carbone et nourrissent les oiseaux au début de l’automne.
- Sorgho : grâce à son développement rapide et son faible besoin en eau, cette céréale a tout pour nous plaire ! Elle étouffe les mauvaises herbes et peut produire jusqu’à 60 tonnes par hectare de matière fraîche à restituer à notre sol.
- Maïs : tout comme le tournesol, le maïs est utilisé en engrais vert principalement pour sa forte production de feuillage et ses grosses tiges, de même que pour ses racines qui structurent le sol. En revanche, le maïs a besoin de beaucoup d’eau pour bien se développer. L’irrigation s’impose… ou peut être pas sur sol vivant avec du maïs population ?
- Sarrasin : avec ses parties aériennes plutôt légères, le sarrasin est utilisé pour son système racinaire et sa capacité à assainir le sol, notamment en prélevant l’excédent de phosphates non assimilé par les cultures précédentes.
- Radis Daikon : également appelé radis fourrager, cette plante a l’incroyable capacité de sécréter par ses racines des éléments détruisant les racines de chiendent ou de liseron, les ennemis du maraîcher. Capteur d’azote, le radis daikon possède également un système racinaire très intéressant pour la structure du sol et lutte contre certains nématodes.
Diversifier les espèces végétales dans le couvert
Nous avons abordé les atouts des variétés les plus communément utilisées. Il ne nous reste plus qu’à énoncer une évidence : pour maximiser leur bienfaits, il faut les cumuler !
Rien de tel que de semer en même temps une légumineuse, une crucifère et une graminée. Nous l’avons dit : les racines des différentes espèces ont toutes leur intérêt pour structurer notre sol dans toutes ses dimensions, et le préparer pour la culture suivante. Plus on en met, mieux c’est ! Attention, on parle ici de variétés : pas besoin de surcharger le sol en nombre de graines, même si vous avez peur que certaines se fassent manger. En général, nous préconisons 2 à 3kg de graines pour 100m² (cela dépend grandement de la taille des graines).
Dans le choix des espèces, certaines de leurs propriétés sont aussi à observer. Les brassicacées comme la moutarde font partie des rares espèces à ne pas être mycorhizées. Incapables d’entrer en symbiose avec les champignons au niveau de leurs racines, elles ne les nourrissent pas, ne les entretiennent pas pour les cultures suivantes. Ainsi, si on souhaite favoriser la présence des champignons mycorhiziens dans son sol, il est intéressant de coupler la moutarde avec des légumineuses et des graminées sur la parcelle semée, qui elles, joueront ce rôle nourricier. Par ailleurs, la légumineuse fleurit très tôt, et permet ainsi de nourrir les insectes auxiliaires. La féverole par exemple se fait attaquer rapidement par des pucerons et se transforme alors en véritable garde-manger pour coccinelles. Le choix de vos espèces plantées permet donc aussi de préserver la richesse de votre biodiversité !
Nos associations de couverts préférées :
Moutarde / avoine / féverole pour un combo gagnant en termes de système racinaire structurant et de nutrition du sol, ainsi qu’en termes d’équilibre électrochimique du sol par les exsudats racinaires de ce couvert particulièrement intéressant sur des sols argilo-calcaire comme les nôtres.
Découvrez les combinaisons de graines que nous avons testé dans l’épisode 2 de notre série de vidéos destinées aux engrais verts :
Fenugrec / fèverole / sarrasin mais aussi tournesol mammouth / maïs / trèfle nain
Détruire l’engrais vert bio : le coucher ou le broyer ?
En matière d’engrais verts, il y a souvent 2 écoles : ceux qui le couchent, et ceux qui le broient. Découvrons chaque méthode pour que vous choisissiez en toute connaissance de cause la meilleure manière de détruire votre couvert.
Broyer l’engrais vert : avantages et inconvénients
Peut-être est-il bon de le rappeler : dans tous les cas, un couvert ne s’arrache pas. Il est important de laisser ses racines dans la terre, pour conserver les mycorhizes en place et laisser lentement les racines mortes se décomposer.
Les avantages de couper un couvert à la base des tiges pour les broyer, c’est qu’on amène sur le sol des morceaux de petite ou moyenne taille, qui mettront moins de temps à se décomposer que dans le cas d’un couvert couché. La plante est tuée immédiatement, et peut commencer à nourrir la vie du sol en peu de temps.
La plupart du temps, en maraîchage bio traditionnel (hors techniques de sol vivant), ces morceaux de tiges et de feuilles carbonées sont incorporées au sol par un petit labour, qui mélange la couche superficielle du sol aux débris d’engrais fraîchement coupés.
La matière organique se minéralise vite, est rendue accessible rapidement pour votre culture suivante. Cette technique peut donc s’avérer très utile si votre besoin est d’apporter à très court terme des sucres, le carbone, l’azote et les autres nutriments issus de votre engrais vert.
Cette technique doit néanmoins s’opérer plusieurs semaines avant un repiquage, pour que la décomposition soit engagée, éviter le phénomène de faim d’azote qui viendrait nuire aux légumes tout juste implantés, ou encore éviter de repiquer dans une matière trop fraîche et peu accessible pour les racines de nos jeunes plants affamés.
Pour couper proprement un couvert justement sans l’arracher, on peut soit le tondre (avec une tondeuse très puissante si le couvert est bien développé), soit le broyer (avec un broyeur à marteaux) soit le faucher (avec une faucheuse ou une barre de coupe attelée au tracteur). Attention au risque de tassement du sol par les passages d’engins : une solution est de travailler sur planche permanente en maraîchage, ainsi le poids du tracteur ne tassera le sol que dans les passe-pied. Il serait dommage d’annuler tout le bénéfice de la structuration apporté par les racines du couvert sur la planche de culture. Un autre risque est aussi de voir la plante repartir de la coupure nette que vous avez effectuée. Car alors toute l’énergie contenue dans les racines est disponible pour alimenter l’envie de survivre et une nouvelle poussée. Soyez alors vigilants lors de votre prochain semis ou repiquage ! On ne plante pas un couvert pour qu’il vienne concurrencer notre culture !
Coucher ou rouler l’engrais vert : les atouts de notre méthode
Si, comme nous, vous utilisez des bâches pour gérer l’enherbement de vos planches de culture, le couchage de l’engrais peut être la solution la plus adaptée. En effet, le roulage peut alors être effectué mécaniquement, à l’aide par exemple d’un rolofaca attaché à l’avant du tracteur, qui appuiera moins sur le sol étant donné l’épaisseur du couvert entre les roues et la terre.
Par ailleurs, un couvert couché risque moins de repartir du pied. La plante n’étant pas coupée, le couvert blessé entre plutôt dans une phase d’accélérer son mûrissement et va alors s’épuiser naturellement. La méthode faisant se succéder roulage et bâchage permet d’éviter la reprise de plantes parfois très coriaces comme l’avoine. Agressif, il reprend parfois racine même après l’avoir couché. Un bâchage consécutif de quelques semaines peut l’en dissuader et vous permettre d’obtenir un beau paillage avant de repiquer.
Si vous n’utilisez pas de bâches sur vos planches de culture, le couchage de l’engrais vert présente tout de même des atouts. En effet, si le couvert n’est pas broyé ni incorporé, nul besoin d’attendre entre sa destruction et le repiquage des plants suivants. Après l’avoir couché, on pourra venir planter directement dedans, au contact de la terre. Pas besoin de patienter 6 semaines avant le repiquage de vos légumes ! Vous pouvez tout réaliser dans la foulée. On garde alors le couvert jusqu’à sa floraison. Il connaît ainsi une croissance exponentielle sur les dernières semaines, d’Avril à Mai. Il serait dommage de se priver de toute cette biomasse carbonée !
Dans une logique d’auto fertilité de notre parcelle, ces dernières semaines de croissance peuvent être cruciales. Plus haut, nous avons fixé la ration de l’activité biologique de notre sol à 20 tonnes de matière organique sèche par hectare et par an. La méthode MERCI nous permet de calculer l’apport de matière organique au sol de notre couvert végétal en fonction de la hauteur de celui-ci. Grâce à MERCI, nous calculons la biomasse sèche des parties aériennes du couvert. Mais n’oubliez pas que 30 à 40% supplémentaires de ce poids sont invisibles et sous terre (dans le cas de plantes annuelles), il s’agit des racines ! Donc plus le couvert pousse, plus on augmente la matière produite sur la parcelle !
Et en bonus nous avons aussi tous les sucres liquides ou exsudats racinaires sécrétés par les systèmes racinaires des plantes qui participent à nourrir les microbes de notre sol.
L’inconvénient du roulage de couvert est peut-être qu’il est difficile d’y semer de petites graines. Les grosses se débrouillent mieux pour trouver leur chemin jusqu’à la terre nourricière. Mais rien n’est impossible : sur un couvert fraîchement couché, le semis de carottes est possible ! A condition de dérouler par exemple un géochanvre fin, 1mm d’épaisseur par exemple pour moins d’1€ / m2, avant de le recouvrir d’un paillis, fin lui aussi. Une opération qui demande relativement peu de logistique, mais nécessite quand même un petit budget.
Pour choisir la méthode appropriée pour détruire votre couvert, il est donc important de savoir l’usage que vous comptez faire de votre parcelle. On nomme aussi les couverts les “plantes de service”. Choisissez de les planter et de les couper en fonction des services que vous souhaitez qu’ils vous rendent !
Pousser plus loin l’utilisation des engrais verts bio
Toujours intéressés par de nouvelles techniques ou la re-découverte d’anciennes pratiques, nous nous penchons aussi sur la culture de légumes annuels directement semés ou repiqués dans des plantes vivaces et pérennes. Par exemple, couvrir de manière permanente la parcelle avec un trèfle ou une luzerne capable de fixer l’azote atmosphérique de l’air pour y introduire ensuite nos légumes. Repicage d’aubergine sous couvert permanent de trèfle blanc, semi direct de betteraves dans un couvert permanent de luzerne affaibli par une occultation courte par bâchage…
Ne tiendrait-on pas là une piste pour un maraîchage encore plus performant ?
Si la théorie tient la route, encore faut-il la tester, trouver les plantes adaptées et les solutions pour calmer le couvert de vivaces le temps que les plants repiqués y trouvent leur place. Certains agriculteurs qui éprouvent déjà cette technique utilisent de petites doses de glyphosate. Pas de ça chez nous ? Mais peut-être qu’un bâchage court calmerait temporairement le trèfle pour laisser aux aubergines le loisir de s’installer ?
Masanobu Fukuoka, père de l’agriculture naturelle, avait déjà mis ça en oeuvre pour ses cultures alternées. Le riz d’été alternait avec l’orge d’hiver, mais toujours au milieu d’un tapis de trèfle. Au moment de repiquer, il irriguait le champ pendant 5 jours. Le trèfle, la tête sous l’eau, prenait un sérieux coup – pour ne pas dire une bonne claque – ce qui laissait le temps au riz de se lancer et de prendre de l’avance. Parfois à trop vouloir innover, on oublie qu’un certain nombre de savoirs ont déjà été accumulés, qu’il ne nous reste finalement plus grand chose à inventer, mais tout pour nous inspirer…