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Comment notre comptabilité peut changer le monde ?

19/09/2023

La comptabilité en multi-capitaux est une méthode (r)évolutionnaire ! Elle permet d’évaluer notre Ferme non seulement d’après ses capitaux financiers, mais également sur ses impacts environnementaux et sociaux.

Si chaque entreprise, depuis la plus petite entreprise locale jusqu’à la multinationale générant des milliards de chiffre d’affaires chaque année, était évaluée en prenant en compte ces 3 critères de manière équilibrée, notre société mondiale s’en trouverait sans doute radicalement changée, de même que notre manière de consommer.

A la Ferme de Cagnolle, nous soutenons complètement cette nouvelle vision et cette nouvelle manière d’évaluer la réussite et l’impact des entreprises car à coup sûr, elles permettent de remettre chacun à sa juste place dans l’esprit du consommateur et face à ses responsabilités vis-à-vis de notre planète, de nos ressources et de nos semblables.

 

La comptabilité en multi-capitaux : qu’est-ce que c’est ?

Comprendre la comptabilité classique

La comptabilité classique, appliquée par toutes les entreprises à travers le monde, ne prend en compte que la réalité financière d’une entreprise : combien celle-ci coûte à la société (en €, en $ ou toute autre monnaie en cours sur le marché de l’entreprise) et combien elle génère de revenus et de bénéfices. Ces données sont ensuite présentées aux éventuels investisseurs pour justifier d’une bonne santé économique et acquérir de plus grosses capacités de développement. Mais si l’activité de ces entreprises dégrade le climat, le paysage, pille les ressources en eau, supprime des emplois ou crée de la précarité sociale, ces impacts ne rentrent pas en ligne de compte dans les décisions de financer davantage, de permettre la continuité voire le développement de cette activité. Le consommateur n’a pas conscience des impacts négatifs de la fabrication des produits qu’il achète, et n’est pas informé légalement de ces indicateurs, qui pourraient pourtant largement orienter son acte d’achat. Par conséquent, en résumé, on juge aujourd’hui une entreprise sur sa capacité à générer de l’argent et à vendre ses services ou ses produits, plutôt qu’à préserver son environnement, à ralentir le changement climatique et à prendre soin de l’humain. Au vu des enjeux actuels, cette vision n’est-elle pas erronée et obsolète ?

 

Définir les ensembles d’indicateurs observés équitablement

C’est à partir de ce constat que Jacques Richard développe en 2012 sa méthodologie de comptabilité intégrée, la comptabilité en triple capital ou multi-capitaux.

L’objectif de la comptabilité en triple capital est de remettre les enjeux environnementaux et sociaux au cœur de l’entreprise, de leur accorder la même valeur que les enjeux liés aux capitaux financiers. En d’autres termes, protéger et préserver l’environnement et l’homme.

La méthode CARE, qui est utilisée pour faire le bilan d’une entreprise en multi-capitaux, commence par lister les ressources qui sont indispensables, capitales, pour le fonctionnement de l’entreprise. Puis, elle liste les ressources qui sont dégradées naturellement par l’activité de l’entreprise. Si cette entreprise veut préserver ce qui lui est capital pour maintenir son activité, elle doit mettre en place des actions de préservation pour éviter la dégradation de ses ressources ou permettre leur régénération. La méthode CARE s’attache donc à analyser ces actions et leur impact sur les ressources de l’entreprise.

A noter : la méthode CARE n’estime pas la valeur initiale du capital social ou environnemental de l’entreprise, elle estime simplement le coût des actions à mener pour le préserver. Ainsi, dans le cas de la Ferme : on ne dit pas que la forêt proche de nos prés vaut X milliers d’€ (estimation basée sur les essences de bois, le prix de la stère…). La valeur monétaire de la forêt n’est pas calculée. L’enjeu consiste plutôt à déterminer les actions de préservation à entreprendre pour maintenir la forêt en place, dès lors que nous l’avons jugée essentielle à notre activité (par son rôle sur la biodiversité, la richesse du sol, le paysage, voire même le climat local). Chiffrer les actions qui devraient être menées dans l’absolu et les comparer avec les actions entreprises réellement permet d’obtenir un résultat positif, négatif, ou à l’équilibre tout en évitant d’apposer un prix sur le vivant. Ainsi, les efforts réalisés pour équilibrer chacun des 3 volets de l’impact de son activité livrent à l’entreprise un bilan plus ou moins dégradé.

Il est à noter également que chacun des 3 volets ne peut se substituer à l’autre : un déficit sur l’un des plans ne peut être modéré par un gain sur un autre plan. Dans le calcul du bilan CARE, de gros efforts sociaux ou environnementaux ne peuvent se substituer aux capitaux bancaires, restant une pierre angulaire de toute structure économique. Ainsi, de fortes dépenses qui creuseraient la trésorerie de l’entreprise et la mettraient en danger ne peuvent être compensées par la plantation de nombreux arbres. Une entreprise doit donc viser l’équilibre sur chacun des critères analysés.

Pourquoi la comptabilité en multi-capitaux n’est-elle pas appliquée partout, et par tous ?

De la difficulté à trouver des exemples

 

Pour appliquer la méthode CARE et évaluer correctement chaque entreprise, encore faut-il avoir des structures de référence : qu’est-ce qu’une ferme modèle ? A contrario, qu’est-ce qu’une ferme à bilan très négatif ? Il faut avoir connaissance des deux extrêmes pour pouvoir situer toutes les autres sur une échelle de valeur, les noter et leur montrer où elles se situent par rapport à une moyenne locale ou nationale. Le problème consiste donc à trouver de premières fermes de tous types se portant volontaires pour évaluer leur comptabilité et leurs impacts sous cet angle.

Quelle structure aurait envie d’être pointée du doigt comme l’exemple à ne pas suivre ? Qui serait d’accord pour mettre en lumière un énorme manque d’actions compensatoires et des coûts sur l’environnement ou la santé désastreux ? Ca ne se bouscule pas au portillon…

 

De la difficulté à imposer le modèle dans les normes

Sans puissance politique et décision unanime des instances gouvernementales pour imposer une telle méthode, il est très compliqué pour une association comme Fermes d’Avenir de la diffuser et d’en faire la norme. Aucun parti politique ne propose aujourd’hui de méthodes d’intégration de cette comptabilité CARE, ne serait-ce qu’à l’échelle d’un ou deux secteurs de notre économie. Bien que portée par la chaire universitaire d’Agro Paris Tech et l’Université de Reims, qui mettent en place des expérimentations par le biais de doctorants, la méthode de comptabilité en triple capital est assez mal comprise par les acteurs politiques. Même les experts comptables n’ont pas encore pris le sujet suffisamment à bras le corps : il n’existe encore aucun plaidoyer pour un changement universel des normes comptables allant dans le sens de la méthode CARE auprès de l’Agence Internationale des Standards de Reporting.

 

De la difficulté à bouleverser l’économie en y intégrant l’éthique individuelle

Par ailleurs, le sujet peut devenir très polémique car CARE risquerait de mettre sous le feu de projecteurs rouge vif de grosses entreprises aux pratiques désastreuses. Dans notre économie actuelle, dominée par de gros acteurs, qui survivrait à l’analyse de sa comptabilité en méthode CARE ? Il est probable que les consommateurs se détourneraient des produits ou services vendus par des marques au bilan négatif, aux prix mathématiquement plus élevés ; et les employés de ces mêmes entreprises pourraient eux aussi décider de quitter le navire, face à des questions éthiques de plus en plus légitimes : ai-je envie de continuer à travailler pour cette entreprise, qui a si peu de considération pour les enjeux sociaux et environnementaux qui sont pourtant les miens, ceux de mes proches, et de notre avenir ?

Devant tous ces freins, difficile de se projeter. Le constat reste le même pourtant : appliquée à grande échelle, c’est-à-dire a minima à l’échelle nationale, la méthode CARE permettrait de pallier la distorsion du marché. Les coûts réels seraient mis en lumière, les moeurs pourraient changer.

Quelles seraient les conséquences de l’application en masse de la méthode CARE ?

Si chacune des entreprises – restreignons-nous au marché de l’agro-alimentaire – présentait un bilan intégrant les facteurs sociaux et environnementaux de son activité, leur pérennité et le consommateur seraient plus directement touchés.

 

Prendre conscience collectivement du juste et vrai coût de l’alimentation

Avez-vous déjà entendu dire que nous payons trois fois notre alimentation ? Aujourd’hui, notre système est construit de telle façon que lorsque nous achetons 1 kilo de viande de porc en supermarché à un prix dérisoire (5 ou 6€), nous ne voyons que le prix affiché sur l’étiquette sans nous douter que nous payerons plus tard ou avons déjà payé pour contribuer à élever et produire ce porc, pour l’amener jusqu’à notre supermarché.

Nos impôts contribuent en effet à subventionner les institutions européennes et la PAC (Politique Agricole Commune), qui – il faut le dire – ont plutôt tendance à subventionner les grosses exploitations engagées dans des démarches destructrices des territoires, des sols, responsables de pollutions des eaux ou de destruction du travail par l’utilisation de systèmes mécanisés, industrialisés. Nos impôts contribuent également à payer la Sécurité Sociale, qui fait face aujourd’hui à la hausse de maladies liées à une mauvaise alimentation et une mauvaise hygiène de vie. Le cercle vicieux se dessine.
Si le kilo de porc devait présenter sur son étiquette un prix plus réaliste, permettant au producteur d’absorber ses coûts de production mais aussi le coût des actions compensatoires à mettre en oeuvre pour régénérer ses ressources, préserver des emplois, la santé des consommateurs et enfin de se dégager une marge raisonnable pour vivre de son métier, le prix de ce kilo de porc serait alors sans doute multiplié par 5, par 10, par 20…

 

Remettre le consommateur citoyen au coeur de l’action responsable

Face à un prix vingt fois supérieur sur l’étiquette, quel consommateur n’aurait pas le réflexe de se tourner vers le kilo de porc local, produit dans la petite ferme d’à-côté, engagée dans une démarche de responsabilité sociale et sociétale et tentant de compenser au mieux la dégradation de ses ressources par de nouveaux investissements, à sa hauteur, lui permettant d’afficher le kilo de porc à un prix seulement 2 fois supérieur ?

Une ferme dégradant ses ressources, présentant un bilan pourtant à l’équilibre du point de vue de sa comptabilité classique – entendons financière – pourrait obtenir en méthode CARE un résultat très dégradé, et devrait vendre sa production beaucoup plus cher. Une ferme agissant positivement sur les facteurs sociaux et environnementaux, vendant ses produits localement, est sans doute plus à même de proposer un prix de vente correct pour le consommateur, tout en intégrant ses coûts de production réels.

 

Orienter les investissements et les financements pour favoriser une transition durable

Mais être meilleur en matière de protection du sol, de l’eau, obtenir un bilan carbone inférieur… Tout cela a un coût. Si l’agriculteur doit se fixer ces objectifs, encore faut-il qu’il dispose des ressources nécessaires, qu’il puisse prendre les risques pour mettre en place les actions correspondantes. Et si l’Europe, les aides de la PAC ou tout simplement les Etats, avec leurs financements nationaux, avaient un rôle à jouer ? 

Un dispositif existe déjà aujourd’hui en France : les Paiements pour Services Environnementaux (PSE). Il s’agit de rémunérer les agriculteurs “pour des actions qui contribuent à restaurer ou maintenir des écosystèmes, dont la société tire des bénéfices (préservation de la qualité de l’eau, stockage de carbone, protection du paysage et de la biodiversité…)”.  La rémunération provient des acteurs privés, des collectivités territoriales et de l’Etat (source : https://agriculture.gouv.fr/). Seulement voilà, ce dispositif, qui a tout bon sur le papier, peut cependant se transformer en bonne excuse pour certaines grandes entreprises, ou en “droits à polluer”. Le fait de financer des agricultures durables est présenté dans leurs rapports RSE comme une compensation pour les actions dégradant l’environnement ou leur utilisation massive de ressources naturelles. Cette dérive du dispositif, que l’on nomme aussi “green washing”, est antinomique avec la méthode CARE, qui encourage plutôt la responsabilisation de chacun, à l’échelle des impacts de son activité. Ainsi, ce dispositif est une première étape mais ne peut pas être une finalité.

 

Alors comment faire ? Des projets de marché carbone ont déjà vu le jour : rémunérer à un prix suffisant la tonne de carbone stockée pourrait être attractif, et amener les agriculteurs – même les entreprises d’autres secteurs – à entreprendre les actions nécessaires. Le sol est aujourd’hui le plus gros puits de carbone qui existe, et nous pouvons le remplir par des méthodes simples, comme l’ont démontré les techniques de MSV ou les systèmes agroforestiers. Qu’attendons-nous pour mieux financer et valoriser les exploitations qui entreprennent ces méthodes de culture ? La PAC pourrait-elle dédier un budget plus élevé à la valorisation des fermes engagées dans cette démarche ? L’enjeu est grand : réussir à bousculer les habitudes de 90% des établissements qui n’ont pas encore engagé de transition. Car ce sont autant de structures agricoles qui se dégradent au même rythme que leur sol, leurs réserves en eau ou la biodiversité autour d’elles. 

Une autre possibilité consisterait à subventionner la consommation, au lieu de financer la production. Des aides pourraient être versées pour soutenir le consommateur achetant des produits issus d’un label responsable, identifiant les fermes en transition selon la méthode CARE. Ces fermes pourraient ainsi petit à petit équilibrer leur prix de vente et leurs coûts de production réels, sans que cela mette en danger à très court terme leur viabilité, car les consommateurs continueraient d’acheter.

 

Ainsi, plusieurs solutions sont envisagées. Mais le chemin est long pour les mettre en place. C’est à travers une prise de conscience collective des consommateurs, du monde agricole, des experts-comptables et le soutien de la classe politique que l’agriculture pourra changer et préserver durablement ce dont elle a besoin pour continuer à nourrir la planète. 

Découvrez comment nous avons appliqué en 2019 et 2020 la méthode CARE sur la Ferme de Cagnolle. 

Si vous souhaitez engager votre entreprise ou votre ferme aux côtés de Fermes d’Avenir pour soutenir la comptabilité en multi-capitaux, n’hésitez pas à visiter le site web et à en parler à votre expert comptable, chaque petit pas compte ! 

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